A l'occasion de la naissance de sa nouvelle pièce Le Nouveau Monde, Roger Lombardot nous a raconté son parcours singulier et son travail d'écriture et de mise en scène. Le nouveau monde sera joué à L’Atelier Théâtre Laurac-en-Vivarais Du 1er octobre au 1er novembre Jeudi, vendredi, samedi 20h30, dimanche 18h30 Réservation impérative : 04 75 36 90 99
06 07 58 30 96
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On a beaucoup entendu dire que le coronavirus avait valeur de dernier avertissement et qu’il était impératif qu’on change de modèle de société. On l’a répété sur tous les tons, des voix venues de tous les horizons de la société. Une belle unanimité qui donnait à penser que, oui, enfin, on allait mettre un terme à la course au profit et au saccage de la planète. Oui, enfin, on allait donner une chance à ceux qui viennent après nous… Malheureusement, dès que la pandémie a reflué, on a repris la course comme si rien ne s’était passé, pressés d’oublier, de revenir à la vie d’avant… Que faut-il qu’il advienne pour qu’on réagisse, se questionne sur notre devenir, le devenir de l’espèce ?... Comment mettre encore des enfants au monde, si on ne se préoccupe pas aujourd’hui, tout de suite, de leur avenir sur la Terre... si on les promet à l’enfer ?...
Le moment n’est-il pas venu de révéler le nouveau monde, celui qui est en gestation au milieu de l’ancien, de sorte que ce dernier s’efface et, avec lui, les chimères qui lui prêtent existence ?
Né à Quingey dans le Doubs, dans la tour où naquit le pape Calixte II, Roger Lombardot réside en Ardèche depuis 1974. Il est l’auteur de 40 pièces de théâtre, dont la majorité a été créée, par lui-même et par de nombreux metteurs en scène. En 1989, il fonde Eropa, organisation internationale dont le but est d’aller à la rencontre des plus démunis avec pour vecteur l’expression artistique. Tournée théâtrale en Roumanie puis en Croatie et en Bosnie. En 1993, selon les mots du journal italien Il Corriere della sera, il met en scène « le spectacle le plus fou du monde et le plus chargé de sens » : 100 musiciens et choristes sur le Mont-Blanc pour inviter les européens à se dresser par la beauté face à la barbarie qui ravage l’ex-Yougoslavie. Filmé par Denis Ducroz pour France 3, le spectacle est diffusé dans le monde entier. En 1995, il entreprend un cycle de 10 pièces pour acteur/actrice unique, dans la tradition du théâtre primitif grec, chaque pièce abordant un sujet de société sous l’angle d’un vécu humain particulier, de sorte que l’intime se mêle à l’universel. En 2002, après deux ans de travaux, réalisés en grande partie par lui-même, s’inspirant de l’exemple de Tchekhov, il installe un théâtre dans les caves voûtées de sa maison située au cœur d’un village ardéchois. « Quelle expérience troublante que de pénétrer en un tel lieu, datant du XVIe siècle, qui abrita jadis une cave à vin... L’ombre de Dionysos y plane sans conteste, lui qui a donné aux hommes le vin et leur a inspiré la tragœdia, source des arts et de la scène. » écrit Brigitte Purkhardt, dans un dossier consacré à l’auteur (Les Cahiers du Théâtre, Montréal, Québec.). En 2006, il constitue une théâtrothèque, réunissant des œuvres de 300 auteurs contemporains. En 2009, il invite 33 auteurs à venir écrire en Ardèche sur les peintures de la Grotte Chauvet qui représentent à ce jour la plus ancienne œuvre d’art connue au monde. En 2013, il met en place des résidences d’auteur au milieu de la nature, avec restitution des écrits dans son théâtre. En 2016, il fête ses 36 ans d’écriture et de création théâtrale. Les pièces de Roger Lombardot ont fait l’objet d’un mémoire en Sorbonne, par Antoinette de Robien. Plusieurs ont été traduites ou sont en cours de traduction en anglais, russe, espagnol, roumain. Elles sont publiées aux Editions Actes Sud, Les Cahiers de l’Egaré, Mercurart et Le Solitaire. Par ailleurs, outre le Mont-Blanc, il a réalisé un nombre important de spectacles dans la nature : sentiers, lacs et rivières, vignobles, grottes, forêts au Canada, plateau dans les Carpates, volcan en Islande, lagon en Polynésie… et de nombreux autres lieux à retrouver à la page « lieux » de cette même rubrique.
LES PIECES DE ROGER LOMBARDOT
Ce soir je ne jouerai pas Antigone…
Ce sont les premiers mots que la comédienne adresse au public, l’invitant respectueusement à quitter la salle. Ce soir, elle ne peut tenir son rôle, elle n’en a pas la force. Elle vient d’être frappée par une tragédie : son frère s’est noyé en portant secours à des migrants échoués sur les côtes de l’île grecque de Lesbos. Son corps n’a pas été retrouvé. Elle évoque Polynice, le frère d’Antigone. De même que le personnage de Sophocle, son frère à elle n’aura pas de sépulture. Insensiblement, elle se met à raconter l’histoire du défunt : sa fiancée tuée lors d’un attentat, l’abandon de ses études pour se mettre au service des plus fragiles… les témoignages qu’il a recueillis à propos des violences faites aux femmes, aux enfants, dans les zones de conflits et ailleurs… son indignation face à l’indifférence, au rejet de l’autre… sa révolte à l’égard de nombreux responsables qu’il accuse de lâcheté. Et puis, à la suite, elle nous délivre sa propre parole. Une parole de femme… libre, forte, déterminée… Elle ne joue pas Antigone, elle est Antigone.
VOIR LA PIECE avec Coralie Russier
La beauté sauvera le monde
La Beauté sauvera le monde évoque en images, en musique et en mots cinq années d’interventions artistiques au service de la vie... avec pour viatique cette réflexion d’Andrei Tarkovski : « Mon devoir est de faire en sorte que celui qui voit mon travail ressente le besoin d’aimer, de donner son amour et qu’il perçoive l’appel de la beauté. »
1989 : Un médecin, président d’une ONG dit à Roger : « Ce sont des gens comme vous, des artistes, qu’il faudrait pour réchauffer les populations après notre départ. Il ne suffit pas de soigner les plaies du corps, il faut panser les plaies du cœur et de l’âme. Et je ne connais rien de mieux que la beauté pour apaiser et redonner le goût de vivre. Je le dis parce que j’en ai fait l’expérience.»
Quelques mois plus tard, le mur de Berlin tombe. Pour répondre au vœu de ce médecin, Roger Lombardot se rend en Roumanie, puis dans les Balkans ravagés par la guerre.
Texte publié aux Editions Mercurart
68 Mon amour
Tu sais... Lorsque j'entends toutes les sottises qu'on raconte à propos de soixante-huit, j'ai envie de pleurer... Moi... mon existence s'est éclairée à compter de cette année-là. Avant, s'il n'y avait eu l'amour de ma mère, elle aurait été entièrement grise. Comme les visages des adultes. Plombés par la résignation. Je n'arrivais pas à croire qu'ils étaient sortis de la guerre. Aucune joie ne les habitait. On eût dit qu'ils n'avaient fait que passer d'un cauchemar à un autre...
50 ans d'amour
Ils se sont connus en 68, ils s’aiment toujours…
Est-ce parce qu’ils se sont connus en 68 qu’ils s’aiment toujours ?
La réponse est dans le texte :
« Notre amour, il vient de là… de tout ce qu’on a partagé ensemble : nos espérances, nos luttes, nos élans, nos rêves, nos folies, nos amitiés, nos défis, nos émotions, notre joie de vivre… toutes les tares qu’on avait contractées en 68… Depuis cinquante ans qu’on chemine ensemble, j’ai dû te prendre cent mille fois dans mes bras et cent mille fois j’ai ressenti le même émoi… le même bouleversement des sens, le même enchantement de l’esprit. Celui qui n’a jamais connu cela ne peut pas imaginer… pas comprendre le monde contenu dans cette étreinte… pas percevoir sa beauté, son étendue, sa richesse… Cette étreinte qui est le noyau de notre histoire, la matrice à partir de laquelle tout s’est organisé… Je trouve cela miraculeux : pouvoir puiser chaque jour dans les bras de l’autre la joie de vivre. »
ACHETER LA PIECE
"Il y a quelques années, alors que je présentais 68 mon amour dans l’atelier d’un ami sculpteur, au milieu de ses œuvres, un spectateur s’approche et me dit : – Elle est bien jolie votre histoire et la fille sur la photo est tout à fait délicieuse mais, aujourd’hui, après toutes ces années, elle ne risquerait plus de poser nue pour une affiche. – Ah oui ! Et pourquoi ? – Eh bien… parce qu’elle ferait fuir les spectateurs. Et il était parti d’un grand rire, satisfait de sa méprisable saillie. J’étais en train de couper une rondelle de saucisson et j’avais eu envie de lui planter le couteau dans le ventre. Et puis, après réflexion, j’avais pensé qu’il serait plus judicieux de répondre par le théâtre : un texte et des images en hommage à la femme de 60 ans, celle que j’aime et, par filiation, toutes les autres… quel que soit leur âge. Le goujat ne méritait pas que je salisse un couteau et que je prive mes invités de saucisson."
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